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Le petit journal de l'Accessoiriste (1)

 

Mon cher Philippe,

comme tu l'as souhaité, je te transmets quelques pages du petit livre "de bord" que je prends le temps d'écrire (presque) chaque jour de tournage. Tu pourras faire découvrir ainsi quelques-unes des mille et une facettes de mon métier d'accessoiriste. Je crois pouvoir affirmer, sans trop me tromper, que c'est le métier du plateau qui est le plus vaste à cerner, le plus méconnu, tant il comporte, paradoxalement, de détails minutieusement préparés et de totales improvisations maîtrisées... en espérant apporter une pierre à l'édifice de LICELFOC.

Toute mon amitié à tous.

 

1 / Mercredi 30 avril - Appartement Choisy-le-Roi - Intérieur Jour - Séquences 34 & 36 - Repas en famille

 

En faisant choisir le dessert de la scène de repas, prévue à la feuille de service du mercredi 30 avril, la veille, je mettais le paquet pour influencer le réalisateur et le faire pencher pour de la salade de fruits ! On avait parlé de tarte ou pire, d'un gâteau à la crème... la jeune comédienne, assurant son texte pendant la découpe du gâteau, risquait de perdre sa concentration en luttant pour couper les parts ... sans compter qu'avec des gâteaux, il faut des assiettes et se méfier des miettes et des taches. De plus, au moment de remettre le tout à "zéro" pour refaire la prise... il me faudrait, à chaque fois, un gâteau "vierge" et toute la vaisselle propre .... ouf ! Le réal choisit les fruits au sirop ! Les mouvements nécessaires au service seront simplifiés et les raccords aussi ! En ajoutant un peu d'eau, je peux facilement remonter le niveau dans les coupes ! Rassurez-vous ce n'est pas le choix du gâteau, même à la crème qui m'aurait fait caler, et rien ne m'aurait autorisé à exprimer le moindre souhait au réalisateur... c'est lui le patron ! Mais tout de même la salade de fruit, c'est mieux pour tout le monde !

 

Yves Seigneuret remettant à niveau le "vin" (jus de raisin),entre 2 prises.

 

Les repas, voilà la vraie préoccupation de l'accessoiriste ! Si les comédiens mangent dans une scène et s'ils ont du texte... j'évite toujours la viande, trop longue à macher, la salade aussi, pas pour les mêmes raisons, là c'est le risque de taches sur les costumes et de "verdure" entre les dents ! Pas d'herbes de Provence non plus, pour la même raison ! Il leur faut des aliments "pratiques", "silencieux" (j'évite les biscottes) et qui me donnent le moins de problèmes possibles pour les raccords. Je dois aussi prévoir un stock suffisant pour tous ces "consommables" ! Il me faut parfois chauffer, réchauffer, voir "surchauffer" pour qu'un peu de vapeur d'eau se dégage au-dessus de la soupe ou du plat... mais les comédiens doivent manger sans se brûler ! Casse-tête inévitable, qui demande une concession de la mise-en-scène sur le découpage par exemple. La soupe arrive sur la table avec un petit fumigène, très léger, à la place du liquide ou mélangé à la soupe, à ce moment elle n'est pas commestible. Puis un autre plan est tourné sur le comédien qui tend son assiette, là j'ai remis de la "vraie" soupe, très chaude, pour avoir un peu de vapeur, mais cette fois elle est "praticable".... alors, si le découpage des plans le permet, lorsque la soupe est portée à la bouche, je prépare une "troisième" version moins chaude pour que les comédiens puissent l'avaler sans se brûler ! Si c'est un gros plan, une autre assiette pleine, mais moins chaude, est déjà devant lui, hors champ, il tend alors la deuxième assiette (vide), se fait servir, et la pose à côté de l'autre tout en mangeant dans la première ...vous avez suivi ? On aura aperçu, dans le plan, le liquide bien fumant en amorce. Des assiettes (vides) stockées au congélateur, et données au dernier moment, peuvent aussi aider.

 

 

Les films n'ont, heureusement, pas tous des scènes de repas, mais c'est "un classique" qui occupe bien l'accessoiriste ! Le réalisateur est le seul vrai décideur, mais l'expérience aidant, j'arrive bien souvent à proposer, à "vendre", ce qui va "passer", cela facilitera le jeu des comédiens et le suivi des raccords, pour lesquels la Scripte m'aidera, bien entendu. Pour en terminer avec les repas, il y a aussi les "grandes manoeuvres", table de plusieurs convives, cocktails aux nombreux invités, catine d'école... les stagiaires mise-en-scène pourront alors me seconder très utilement. Le Premier assistant réalisateur reste toujours inquiet du stock à disposition pour ne pas limiter le nombre de prises... je me souviens d'un repas des Mousquetaires (ils étaient 4) avec Planchet et un autre personnage, donc 6 à table qui mangeaient des côtelettes... le découpage, mais pas les côtelettes, était "haché menu", et chaque réplique, filmée en trois valeurs de plan sur chaque personnage, soit un minimum de 18 plans ! La caméra, par saut de puce, faisait le tour de la table, s'arrêtant parfois un peu plus longuement pour un texte plus difficile, repris en plusieurs prises. Avec le Premier assistant réa. nous avions compté 3 prises pour chaque plan, ce qui nous amenait à 54 ! Sans compter les plans plus larges où aparaissaient plusieurs personnages ! Pour se "couvrir" nous avions donc à disposition une soixantaine de côtelettes !

 

 

 

Patrice Velut préparant un poisson qui doit être pêché par le comédien

 
2 / Vendredi 2 mai - Jardin public Paris - Extérieur Jour -
Séquence 56 - La rencontre
 
Nous étions dehors aujourd'hui, mais ce n'est pas forcément mieux qu'en intérieur. Nous restons à la merci de la météo, ce mois de mai qui commence est "avec nous". Je reste toujours vigilant à respecter le "triangle" entre les acteurs, le réalisateur, et moi. C'est mon rôle d'accessoiriste d'être en recherche d'équilibre pour satisfaire la mise en scène et rendre le jeu possible aux comédiens, en gardant le tout crédible pour le spectateur. Heureusement sur ce film, notre Premier (comprenez le premier-assistant-réalisateur) a bien préparé son plan de travail et j'ai pu effectuer un dépouillement complet et très précis, avec lui. Il fait toujours figurer la liste des accessoires, en rappel, sur la feuille de service. Je ne reste jamais dans mon coin, et mes relations de travail sont permanentes avec tous, particulièrement avec la Scripte. Pour cette scène de square parisien, elle a conservé des photos numériques pour les raccords. Nous avons tourné la scène qui précédera celle-ci dans le montage final, il y a trois jours, dans des rues du 15e, le comédien y portait un sac de courses... il faut le lui redonner et qu'il le porte exactement comme il le faisait dans la séquence 55, avant qu'il n'entre dans le jardin public. Il y a quelques années c'était les fameuses photos Polaroïd® qui servaient au contrôle de ces raccords, indispensables à la bonne continuité du film. À présent, il existe un enregistrement vidéo numérique, avec un minuscule moniteur, qui offre un contrôle permanent en cas de besoin.
 
 
 
 
 
 
Dans la scène d'aujourd'hui, le comédien se tournait pour regarder une jeune femme qui traversait le jardin, il la suivait des yeux, tout en continuant à marcher et se heurtait violemment à un vieil homme... le sac de courses se déversait sur le sol ! Toutes les courses devaient se répandre à leurs pieds et le chapeau de l'homme tomber lui aussi... Plusieurs répétitions furent nécessaires et pour anticiper un bon résultat. Je proposais de remplir le sac avec des paires de chaussettes roulées pour ne pas risquer la casse, les taches sur les vêtements et les morceaux divers au sol... La costumière avait prévu 3 chapeaux et une bonne brosse. Dans le sac, en accord avec notre metteur, j'avais installé 6 oranges, un pack de lait, deux baguettes de pain, un journal et une bombe de mousse à raser. Seules les baguettes et le journal étaient véritablement raccord, car seuls ils étaient visibles il y a trois jours, en plan rapproché, dans les rues. Sous la pression du Premier, j'avais bien chargé ma réserve de stock, avec 20 oranges, 6 packs de lait, 12 baguettes, 8 journaux et 4 bombes de mousse. Ne me demandez pas pourquoi ces chiffres... un instinct, une intuition... le métier ? La connaissance du réalisateur, de sa façon de travailler, celle du comédien. En d'autres cisconstances, j'aurais peut-être doublé le tout !
 
Dès la première prise, tout c'est admirablement bien passé. Les courses ont "explosées" hors du sac (car j'oubliais, j'avais aussi prévu 20 sacs en papier...) dont j'avais préalablement "fragilisé" le fond en y donnant délicatement quelques coups de cutter ! Le chapeau de la "silhouette" qui jouait le vieil homme, a bien roulé au sol, rejoint très rapidement par les oranges. Le journal a répandu ses pages au vent dans un très bel effet totalement impossible à reconstituer à la demande ! Le couvercle de la bombe de mousse s'est cassé en morceaux sous les chaussures de notre acteur... la première prise fut la bonne !

3 / Lundi 5 mai - Atelier de ferronnerie de Saint-Léger-en Yvelines - Intérieur soir - Séquences 14 et 43 - L'accident
Je ne regrette pas d'avoir bien négocié ma Bijoute, car j'en sors, j'en sors de plus en plus... aujourd'hui la scène de l'accident m'a obligé à venir deux heures avant le tournage avec, François, un des assistants de la déco. Le comédien "jouait" qu'il se brûlait avec un chalumeau pour les besoins de la scène. Il lâchait le tout, chalumeau et support de cloche en fer forgé, puis se reculait violemment, en venant heurter une grande étagère pleine d'outils, de pots et de boîtes, installés par la déco la veille. Dans un fracas assourdissant, le basculement spectaculaire de l'étagère devait entraîner aussi la chute du comédien. Le chalumeau était sensé rester allumé, malgré sa chute, et mettre le feu à un tas de chiffons posés sur une marche... Pour exécuter, de façon "pratique" et dynamique, cette scène difficile, le réal. avait bien découpé le tout, ayant imaginé un montage rapide, avec une multitude de plans. Je mettais en chauffe ma machine à fumée, et je vérifiais le bon parcours du fil de pêche qui devait entraîner l'étagère. Un mince petit fil de nylon, invisible et très solide que je tirais au moment voulu. Les machinos m'avaient fixé un petit anneau dans une des poutres du plafond (hors champ), il servait à modifier l'angle de mon système de tirage, pour me permettre de me placer, à distance, derrière la caméra.
 
Pour les chiffons j'avais de la réserve, un énorme sac poubelle plein... et je préparais aussi de la confiture (sorte de pâte d'hydrocarbure) pour les effets de feu. Un premier plan assez large devait comprendre presque toute la scène, du moins jusqu'à la chute du comédien sous l'étagère... il fallait en une prise : voir le comédien se brûler et surtout l'entendre ! Voir la chute du chalumeau, puis celle de l'étagère, avec tout ce qui était dessus et enfin, l'allumage de l'incendie, sur les chiffons. Le chalumeau disparaissant derrière tous les accessoires au sol, je pouvais faire déclancher les flammes indépendamment de lui, qui d'ailleurs s'éteignait dans sa chute. Thierry, le second assistant réa. me donnait un coup de main pour assurer l'allumage des chiffons à l'aide d'une mèche rapide qu'il enflammait hors champ. La costumière avait prévu un demi gilet de sauvetage que le comédien avait mis sous son costume, seule la partie arrière était conservée et lui protégeait le dos. Les petits accessoires de l'étagère avaient été tous minutieusement choisis, légers, sans arrêtes vives, la plupart en plastique (les bruits de ferrailles seraient ajoutés au mixage). L'étagère elle-même avait été "fragilisée" (par la déco) pour faciliter sa mise en morceaux lors de sa chute.
 
 
 Patrice Velut humidifiant un sac en papier pour en atténuer le bruit
 
 DÉFINITION SYNDICALE de 1961 :
 
Accessoiriste de décor ou de plateau : Spécialiste qualifié.
L'accessoiriste de plateau assure la surveillance et l'emploi de tous les accessoires et meubles figurant dans le décor ; veille à l'entretien et à la conservation de ceux-ci, assure les raccords de scène et l'utilisation des artifices.
 
L'accessoiriste de décor reçoit les meubles et les accessoires livrés par le régisseur d'extérieurs, meuble les décors, et les démeuble. Il contrôle l'identité, l'état et la conservation des objets reçus et rendus. (Aux U.S.A. : Property Master)
 
 
 
Conditions d'accès à la profession (texte de 1961) :
 
Titulaires : avoir participé à la réalisation de 5 films français de long métrage, en faisant fonction de titulaire dans 3 d'entre eux.
Suppléants : avoir participé à la réalisation de 2 films français de long métrage comme stagiaire. Lorsque l'accessoiriste suppléant fait fonction de titulaire, il ne peut travailler qu'en second, avec un accessoiriste titulaire.
Stagiaire : le stagiaire en possession d'un engagement d'une société de production pour un film ne peut être autorisé que lorsqu'il y a deux accessoiristes titulaires engagés pour le même film.
Salaire hebdomadaire minimum au 1er mai 1961 : 500 Francs
 
 
Définition de la Convention collective de 1991 :
 
L'accessoiriste de plateau : assure la surveillance et l'emploi de tous les accessoires et meubles figurant dans le décor. Veille à l'entretient et à la conservation de ceux-ci. Assure les raccords de scène et l'utilisation des articles.
 
Il est prévu, pour l'accessoiriste, une semaine de préparation au minimum.
 
L'accessoiriste de décor : reçoit les meubles et les accessoires livrés par le Régisseur d'extérieurs, meuble les décors et les démeuble. Il contrôle l'identité, l'état et la conservation des objets reçus et rendus.
 
 
Salaire brut au 1er janvier 1990 : 5056 Francs pour 39 heures
(Barême hebdomadaire minimum des techniciens)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Yves Seigneuret "rechargeant" le décor en fumée (enfumoir d'apiculteur)
 
 
Suite du Petit Journal   >>>>>    vers le N°2
 

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