Le petit journal de l'Accessoiriste (2)
4 - Mardi 6 mai - Garage Pierre - Intérieur jour - Séquences 56 & 79 - La visite de Sophie
Sur la feuille de service à la rubrique "accessoires", le Premier a bien noté : machine à fumée. Je me méfie toujours de ces effets de fumée qui n'en sont pas... comprenez un léger brouillard qui atténue les contrastes et marque les faisceaux des projecteurs ou les entrées de lumière naturelle. Moi, j'appelle cette fumée là, une fumée d'opérateur. Elle ne joue pas en tant que fumée. Ce n'est pas la même machine que j'emploie. Pour l'opérateur c'est plutôt ce léger brouillard, fait de micro-goutelettes d'huile chauffées et pulvérisées dans l'air, qui complète ses effets de lumière. La fumée "actrice" est celle dont le spectateur connaît la provenance... scènes d'incendie, pièce où l'on fume du tabac, machines industrielles et autres sources de vapeur, vieux train et parfois brume.
Dans la scène d'aujourd'hui, c'est cette dernière qui va me servir. Une voiture est en réparation et son moteur est sensé tourner mal (du moins pour y croire, son bruit sera ajouter au mixage) et donc il fume ! Lorsque la comédienne (Sophie dans le rôle) entre dans le garage, Pierre (le rôle masculin) laisse tourner le moteur pour l'accueillir et bientôt, ils sont dans un nuage de fumée bien épaisse... le plan se termine lorsqu'ils disparraissent aux yeux des spectateurs, en train de s'embrasser, on les entend tousser en fin de plan. La dernière machine à fumée que j'ai trouvé a une autonomie extrordinaire, elle fonctionne sur batterie (incorporée), elle peut être commandée à distance et ne fait presque pas de bruit... elle n'est pas faite pour enfumer la gare St-Lazare, mais pour des décors modestes, c'est l'idéal. Dans ce petit garage, toutes portes fermées, elle est du plus bel effet !
Patrice Velut prépare le panier pour la comédienne
5 - Mercredi 7 mai - Restaurant chic - Intérieur soir - Scène 20 - Pierre offre une montre à Sophie
Le champagne est toujours la boisson "redoutée", si l'ouverture de la bouteille a lieu à l'image ! Le réal veut absolument voir la mousse sortir du goulot avant que le figurant-serveur n'atteigne les verres. Au moment du dépouillement ce détail m'a été communiqué, j'ai donc de la réserve... de mousseux ! Un jeu d'étiquettes de "grand" champagne fera l'affaire avec une douzaine de bouteilles de cet acide décapant. Nous tournons dans un "vrai" restaurant, c'est le jour de sa fermeture, mais le patron, le vrai, est là, et très gentillement il s'active, il pense me faciliter les choses. Pendant que je suis parti chercher des torchons et des serviettes propres, il a cru me rendre service en apportant des glaçons dans un magnifique seau argenté... mais les glaçons vont faire trop de bruit, je devrais les remplacer par un morceau de tissus et le seau est beaucoup trop brillant, j'en avais prévu un, bien mat. Pour éviter l'incident diplomatique, c'est notre scripte, Agnès, qui avertit le restaurateur de nos "moeurs" particulières du cinéma... pas de glaçons, un léger bruit sera ajouté au mixage, et pas de brillance qui refléterait un générique "vivant" : toute l'équipe vue dans le seau ! Ce sont les machinos qui me donneront un coup de main pour déplacer les tables et les chaises, en fonction du plan. Le (vrai) patron regarde avec une certaine angoisse sa salle de restaurant totalement "transformée" !
Fernand Billet fait les vitres de l'hélicoptère
Pour le cadeau qui est offert dans la scène du repas, une montre dans une belle boîte de bijoutier, c'est avec la costumière que je me suis entendu, car la comédienne a déjà cette montre depuis le début du tournage, nous avons fait les scènes succédant à ce repas d'amoureux, bien avant celle d'aujourd'hui. Bien souvent, pour les montres, les lunettes, bijoux, sacs, serviette de bain... c'est à la frontière entre les accessoires et les costumes. Nous avons fait le point en préparation du film. Pour les petites lampes posées sur les tables des convives, c'est le chef électro et ses gars qui ont tout prévu : petits prolongateurs de couleur sombre, ampoules assez fortes pour bien marquer la zone de lumière sur les tables. Le choix des nappes légèrement bleutées a été fait entre le chef déco et le chef opérateur, pour éviter le blanc. J'ai aussi collé une fine feutrine sous toutes les assiettes de jeu, car le serveur doit les ramasser sur un chariot à roulettes, pendant le dialogue des comédiens.
Les figurants, installés par le deuxième assistant réalisateur, ne doivent pas parler durant toutes les prises de vues, ni faire de bruit avec les couverts, le tout dans une ambiance la plus "naturelle" possible ! Ils dînent sans manger, ils bavardent sans parler, à la rigeur ils peuvent boire un peu, de temps en temps ; j'ai sorti pour eux, du jus de raisin pour le vin rouge, et de la limonade type "ginger" pour le champagne. Les bruits d'ambiance seront enregistrés sans la caméra, en "sons seuls", alors les figurants se resserviront de leur langue et pourront avec parcimonie effectuer quelques entrechoquements de couverts et de vaisselle, très discrets. Le tout sera mixé subtilement pour se mêler au dialogue des deux comédiens.