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Laurent GUYOT dit Pilou

Pilou

 

 

Mon plus lointain souvenir de Pilou remonte à septembre 1975, sur le tournage de "Grand-père Viking" à Bréhal. Avec sa famille, Pilou accompagnait son père, André Guyot, Dédé, qui était assistant opérateur aux côtés de Gilbert Duhalde. Nous tournions dans la belle propriété de Monsieur Adam et dans le grand jardin, entre les prises de vues, je promenais Pilou sur mon dos en faisant le cheval. Il me sollicitait énergiquement de ses jambes pour que je passe au galop ! Il avait 13 ans.

 

 

 

 

C'est tout d'abord avec Dédé que de forts liens d'amitiés m'ont attaché à la famille de Pilou. Son père a fait partie des piliers qui ont soutenu mon entrée dans le métier autour de Mimile Loubet, avec Michel Decaix dit "César", Henri Decomps et Michel Baudier. Quelques années plus tard je retrouvais Pilou sur les plateaux. Avec ténacité et endurance, il prenait sa place progressivement au sein du cercle corporatiste des chefs machinos. Lui, le petit Pilou, à la silhouette si jeune, le sourire aux lèvres, il ne se démontait pas. Bravant les a priori du métier, il devenait un très jeune chef machiniste, avec talent et sérieux.

" Reculez-vous, Monsieur, regardez cet homme qui cale son travelling ! - Comment ? Lui là-bas, c'est le chef machino, ce jeune garçon ? - Oui, Monsieur ! C'est lui le chef ! Il va vous caler ça à merveille et non seulement vous ne sentirez rien à l'oeilleton, mais il fera le cadre, en quelque sorte, avec vous !". La joue collée au rail, à la manière d'un Sioux dans un vieux western, il dirige la manoeuvre avec discrétion et efficacité. Les cales sifflent, le niveau donne son jugement, le chariot peut arriver. Alors Pilou observe méticuleusement le comédien, s'approprie en quelques répètes les gestes, les mouvements et avec patience et rigueur, il fait et refait encore son travelling à la demande ! Il fait chauffer le clap par son second, Denis, Néné, Vathana. Fait préparer discrètement un "pratos", anticipant ce plan en plongée, rien qu'en regardant le visage dubitatif du réalisateur qui lance à son cadreur : "Finalement Yves, on se mettra sur pratos d'un mètre.", et je vois mon Pilou me lancer un grand sourire. Il n'a pas que des muscles ce petit chef blond, il pense, Monsieur, il pense !

Il aime son métier, il aime participer, dire ce qu'il ressent, au risque, calculé, d'empiéter sur le domaine réservé de la création. Cette création est naturelle à Pilou, un milieu parfois un peu hostile, car il faut "en faire partie" ! Mais un univers où il trouve sa place en se prouvant sans cesse à lui-même qu'il pourra toujours faire mieux. Il collabore en 1986 au court métrage de Patrice Velut : "Le baptême", en composant une magnifique musique de violoncelle qui habille délicatement cette nouvelle de Maupassant mise en images. Il reçoit pour cette création, un Mimile d'Or ! Les productions de notre association se succèdent et fidèlement, Pilou compose pour chaque film : "Chacun son choix" en 88, "Né le 15 Prairial" en 89, "Clichés" en 93, dans lequel il est aussi comédien en photographe des années 30, puis "Court Toujours" en 2001, où il apparaît en frac et haut de forme, avec grâce et élégance, tel Fred Astaire, silhouette symbole de notre association.

 

Dans notre métier si particulier, la place des hommes et des femmes est parfois reléguée à une existence éphémère, sorte de tranche de vie entre un "partez" et un "coupez". On a souvent l'impression de n'exister que le temps d'un générique. Les personnes que l'on connaît sur les plateaux traversent parfois nos vies, en pointillés, de film en film... Comme l'obturateur de la caméra : une image, un noir ! la griffe s'est arrêtée aujourd'hui, la pellicule n'avance plus. S'est-elle arrêtée sur le noir de l'obturateur ou sur l'image ? Nous avons tous cette sensation bouleversante à présent de ne plus rien voir sur l'écran. Mais, lui, Pilou a demandé que ce soit sur une image lumineuse que s'arrête la projection de sa vie. Un image joyeuse de tous les souvenirs que nous avons, impressionnés dans la sensibilité de nos mémoires. Un photogramme du bonheur partager avec lui, le souvenir des instants hors champ, des marches que nous avons gravies ensemble, mais sans le tapis rouge.

Ces marches, parfois difficiles à monter, elles étaient recouvertes de la confiance, du respect et de l'amour fraternel qui ont nourri ma relation privilégiée avec Pilou. Nous n'avions ni arrière-pensées, ni calcul, tout dans notre amitié était offert. Pilou donnait tout, sa fidélité sincère, son talent de comédien, sa musique, ses confidences, ses pensées profondes sur la vie... Il m'a consolé, il m'a fait étouffer de rire (mais sans toute fois égaler son père dans ce domaine du fou rire pendant les prises de vues !). Les mots souvent étaient inutiles, un échange de regards suffisait pour nous comprendre, suffisait à nous entendre. Les seules fois où nous parlions argent, c'était assis côte à côte devant le bureau d'un directeur de production, à l'unisson des tractations sociales, comme une polyphonie corse, nous défendions nos hommes ! Machinos, électros, dans un même élan, nos deux équipes étaient unies derrière leurs deux chefs. Une échelle à assurer, une gueuse, un serre-joint, un cube, une tour, tout était servi avec le sourire, dans une collaboration efficace et joyeuse... Quel bonheur de travailler à ses côtés !

Des coup de gueule, des colères, Pilou en avait aussi dans son sac... Il prenait très vite ombrage de tout ce qui dévalorisait son métier, de toute négligence et de tout à-peu-près. Il respectait profondément le travail de chacun mais toute ingérence ou pire tout mépris de son Art, le faisait très vite monter dans les tours. Car on peut  parler d'un véritable art au service de la réalisation. Peut-être avez-vous eu la chance de voir Pilou effectuer un mouvement de chariot ou de grue ? Dans une souplesse de panthère, stoppant l'élan vertigineux d'un travelling, atterrissant en douceur avec la flèche d'une grue, après avoir dessiné des arabesques dans l'espace... Son art, à la fois, celui d'un athlète aux muscles saillants et d'un danseur aux gestes contrôlés à l'extrême. Pilou un merveilleux mélange d'un James Gagney et d'un Fred Astaire, alliant l'énergie et la pétulance à la souplesse et la grâce. Paradoxe de puissance et de douceur, tour à tour, volontaire et exigeant, tolérant et tendre. C'est ce Pilou façonné d'une pâte profondément humaine qui a marqué ma vie, difficile à saisir, parfois jusqu'aux frontières de l'incompréhension, il est toujours resté et restera pour moi un ami, un frère... Nos paroles de ces derniers jours ont été aussi légères que profondes comme toutes celles échangées entre nous depuis 33 ans. Nous n'avions rien d'autre à nous dire que nous nous aimions et pourtant ces mots-là n'ont pas eu besoin d'être prononcés, la fidélité qui nous liait, nos silences, nos rires, nos regards, sont restés l'expression ultime de notre amitié fraternelle. Je suis dans la joie d'avoir connu Pilou, dans la peine de le quitter et dans l'Espérance de le revoir un jour.

Philippe

(hommage lu aux funérailles de Pilou le 22 juillet 2008 - Le Perray-en-Yvelines)

 

 

 

 

 

 

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